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L’Alentejo hanté: ombres et légendes

Vous voulez entendre une bonne histoire de fantômes? Ou encore une histoire de créatures fantastiques et de meurtres au coin du feu? Dans l’Alentejo, vaste région du Portugal, abondent les histoires de fantômes qui rôdent depuis que les premiers peuples s’y sont installés, comme les Romains et les Maures. La Reconquête, les guerres avec l’Espagne, les invasions françaises, et quelques millénaires d’histoire ajoutent aussi leur lot de fantômes!

Les châteaux hantés


L’Alentejo compte de nombreux châteaux, majestueux, imposants, aujourd’hui en ruines. C’est que cette région, au dénivelé le plus faible de tout le Portugal, représentait la voie de choix à emprunter pour conquérir Lisbonne. Quelle ville compte le plus de kilomètres de murailles par habitant au Portugal? Elvas, en ligne droite sur le chemin vers Lisbonne. Si vous souhaitez voir des murailles imposantes marquées par la guerre, rendez-vous à Elvas, tout près de la frontière espagnole. Les fortifications de cette ville de garnison figurent d’ailleurs sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Le premier roi du Portugal, Afonso 1er, l’avait reprise aux Maures en 1166. Or, Elvas sera reconquise temporairement avant sa dernière occupation par les Portugais en 1226. À mesure que croissait la rivalité avec l’Espagne, les remparts se sont dressés. L’on a alors flanqué les remparts datant du Moyen Âge de sept bastions et deux forts. Un ajout bien pensé puisque les Espagnols ont assiégé Elvas en 1659, en 1711 et en 1801. La ville a repoussé chaque attaque jusqu’en 1808, date à laquelle une armée franco-espagnole s’est emparée de la ville. Là où s’élèvent fièrement les murailles, l’on rapporte que l’on peut apercevoir, par une nuit de pleine lune, la silhouette d’une sentinelle regardant vers l’est, prête à défendre le royaume du Portugal.

Noudar est une ville fantôme pleine de charme. Juché sur la frontière espagnole, le château de Noudar se dresse, seul, à 275 m (902 pi) d’altitude, entre le fleuve Ardila et la rivière Múrtega. L’isolement, la guerre et le passage du temps ont incité les habitants de cette ville à la déserter au 19e siècle. Haut de 17 mètres (57 pi), le donjon du château, toujours intact, domine le village en ruines de Noudar. La ville-forteresse a été reconstruite par un jeune Portugais au 12e siècle pour protéger la frontière. Or, les troupes du roi de Castille s’en sont emparées. La ville a ensuite été reconquise par les Portugais en 1295. Noudar a été prise d’assaut à chaque guerre et à chaque conflit. Certes, le château a été reconstruit, mais les 400 personnes qui y vivaient ont été attaquées à répétition du 16e au 18e siècle. Aussi, les habitants ont migré vers Barrancos, une ville plus au sud de plus grande envergure. La légende prétend que sous le château de Noudar vivait un Maure. Cette âme attristée longeait les cours d’eau Ardila et Múrtega, à l’ombre des frênes. Au moindre bruit suspect, il disparaissait en se métamorphosant en serpent. Malgré sa position isolée, le château est accessible en voiture ou à pied. Ce lieu désert, autrefois théâtre de la violence, respire la paix et l’harmonie avec la nature.

L’histoire du château de marbre d’Estremoz est à la fois longue et fascinante. Des rois, des reines et des soldats y ont vécu. C’est dans ce château, bâti par le roi Dinis 1er, qu’est décédée la reine Isabel reconnue sainte par l’Église catholique. Plus tard, il deviendra le quartier général du génie militaire Nuno Álvares Pereira, aussi appelé le saint connétable. Mises à part ces considérations, c’est dans ce château que s’est déroulé l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire du Portugal. Passé sous silence dans les visites guidées, un massacre y a été perpétré au 19e siècle. La guerre civile portugaise (ou guerre de libération) survient en 1828 dans le cadre de la crise de succession au trône du Portugal. Elle oppose les partisans de la Constitution, plus libéraux, aux absolutistes conservateurs soutenus par le clergé. Le conflit durera jusqu’en 1834. Vers la fin de la guerre, les forces absolutistes tiennent Estremoz et emprisonnent quelque 39 partisans libéraux. Les 39 hommes sont abattus par les forces absolutistes qui battent en retraite. La pièce du massacre existe toujours; l’atmosphère y est lugubre, malgré la blancheur des murs de marbre.



Les champs de bataille hantés


L’Alentejo compte de nombreux champs de bataille datant de l’époque des Celtes et des Carthaginois. L’un d’eux a été le théâtre d’une bataille féroce qui a permis au Portugal d’obtenir son indépendance et au militaire qui a commandé les troupes de devenir non seulement un héros, mais aussi un saint.

Non loin de la ville fortifiée de Fronteira, près de l’Espagne, se trouve le champ d’Atoleiros. Le centre d’interprétation de la bataille d’Atoleiros reconstitue cette bataille historique du 6 avril 1384. La Castille, ancien royaume de la péninsule Ibérique, envoie des troupes en grand nombre pour sonder les défenses du Portugal au moment où la nation voisine tenter de revendiquer la couronne portugaise. Un jeune chevalier du nom de Nuno Álvares Pereira est mandaté pour renforcer les défenses contre une invasion castillane. À la tête d’une petite armée comptant à peine un peu plus de 1 000 soldats, il se dirige vers Atoleiros, à l’ombre des remparts de la ville. L’armée castillane, forte de 5 000 hommes, assiège Fronteira. À l’arrivée de Pereira à Fronteira, les Castillans lui intiment de reculer. Comme Nuno Álvares Pereira refuse l’ordre, l’armée castillane part à sa rencontre, abandonnant ainsi le siège. Devant la supériorité numérique des troupes castillanes (ratio de 5 contre 1), Nuno Álvares Pereira recourt à la tactique du carré d’infanterie : ses soldats, formés en carré, empêchent la cavalerie castillane de pénétrer plus avant. Essuyant de lourdes pertes, l’armée castillane bat en retraite. Devant l’écrasante défaite de l’ennemi, le Portugal proclame la victoire. Les tactiques employées par Nuno Álvares Pereira non seulement ont assuré la victoire du pays, mais elles allaient révolutionner la façon de mener la guerre dans les siècles à venir. Des siècles plus tard, l’on peut sentir, notamment par un jour brumeux, la violence des combats acharnés qui se sont livrés lors de cette bataille qui a changé le cours de l’histoire.

Les légendes


De nombreuses histoires de loups-garous et de sorcières circulent dans les campagnes. Plusieurs villages et villes de l’Alentejo se partagent d’autres types d’histoires. Comme cette histoire d’une lueur étrange qui, la nuit tombée, accompagne les voyageurs et les bergers sur les routes de campagne. La lumière escorte les personnes sans les déranger. Elle les accompagne de près, en suivant leur rythme, marquant une pause si elles s’arrêtent.

Parmi les légendes qui circulent dans le Bas Alentejo, la plus connue est celle de la couturière. Même de nos jours, il est facile de trouver des personnes d’un certain âge qui connaissent cette légende. Plusieurs témoignages rapportent le bruit distinct d’une machine à coudre à l’ancienne et de la coupe d’un fil. Certains font état du bruit d’une paire de ciseaux déposée sur une surface. Ce bruit de cliquetis typique des anciennes machines à coudre peut se faire entendre n’importe où dans la maison. La présence de ce bruit dans les maisons de l’Alentejo ne suscitait aucune crainte tant elle était familière. L’on disait que c’était le bruit de la couturière fantôme.

Mais qui était cette femme? Selon la légende, elle était une couturière qui avait l’habitude de travailler le dimanche sans respecter le jour du Seigneur. Une fois décédée, elle s’est vue contrainte d’errer dans le monde des vivants pendant un certain temps pour expier sa faute. Alors, si vous entendez le bruit d’une vieille machine à coudre à pédale, ayez une pensée pour cette couturière fantôme qui cherche sa rédemption.

Sites mégalithiques 


Le Portugal compte de nombreux sites mégalithiques qui datent des temps antiques. Ils se concentrent dans la région délimitée par Montemor-o-Novo à l’ouest, Elvas à l’est, Portalegre au nord-est, et Beja au sud. Des dizaines de monuments mégalithiques préhistoriques, appelés antas, entourent Évora. Ces monuments étaient vraisemblablement voués au culte et aux rassemblements destinés à souligner le passage des saisons. Certains avancent qu’ils auraient été le cadre de sacrifices rituels aux dieux, peut-être même de sacrifices humains dans le but de s’attirer de bonnes récoltes et une chasse abondante. Ces sites n’ont laissé que très peu de preuves de leur utilisation. Ce sont toutefois des lieux de légendes qui font intervenir le merveilleux et le surnaturel pour expliquer leur présence. En explorant un de ces monuments (un « cromlech » ou monument formé de menhirs disposés en cercle, par exemple), questionnez-vous sur l’attrait qu’il exerce sur vous.

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