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Fitapreta : la destination vinicole de l’Alentejo à découvrir

Curieux. Désinvolte. Provocateur. Ce ne sont pas les qualificatifs attendus d’un viniculteur (ou de tout autre professionnel).

Et pourtant, ils caractérisent bien António Maçanita, l’un des viticulteurs les plus respectés du Portugal. Et son site Web renchérit : « Non conformiste, déstabilisant, dérangeant, audacieux, fébrile, prenant ». Il précise que ces attributs s’appliquent non seulement à sa personne, en tant que viticulteur et consultant, mais aussi aux vins qu’il produit — des vins qui remportent régulièrement de prestigieux prix et des notes élevées de Robert Parker, œnologue averti, et d’autres critiques. 

Outre les épithètes accolées à sa personne, c’est manifestement un homme charmant et avenant qui accueille la clientèle au Fitapreta, son domaine viticole dans l’Alentejo, non loin d’Évora, près de Nossa Senhora da Graça. Lorsqu’il anime une dégustation (sur demande spéciale), son attitude n’admet « aucune question stupide ». La philosophie de ce réputé œnologue ne se résume pas à transmettre son amour de la vigne. C’est partager — rendre accessible — ce qui est rare, ce qui est curieux. 

« Cela n’a pas le goût d’un vin de l’Alentejo », me suis-je hasardé à dire en sirotant son Branco de Talha, un vin blanc millésimé 2019 produit par l’assemblage des cépages portugais Antão Vaz et Roupeiro et élevé en amphore (une grande jarre en argile) pendant plusieurs mois (un style de vinification que Maçanita adopte depuis 2010, bien avant que les vins en amphore ne deviennent à la mode).

« Comment pouvez-vous savoir le goût qu’un vin de l’Alentejo est censé avoir? » a-t-il rétorqué d’un ton qui ne se voulait pas méchant. Il a souligné que les profils corsés et fruités que nous associons de nos jours aux « vins de l’Alentejo » sont le fruit récent d’une évolution et que la région a produit des vins d’une plus grande variété ne manquant pas de nuances au cours de l’histoire (une histoire qui remonte à la Rome antique si l’on en juge certains documents suggérant que les vins de l’Alentejo aient été les premiers vins portugais à être exportés à Rome). 


 

L’innovation par le retour aux sources, voilà la source d’inspiration de tous les projets de Maçanita. Il se tourne vers les cépages locaux, typiques de la région de l’Alentejo pour produire des vins qui répondent à son sens de l’esthétisme « sans suivre les modes, mais plutôt en les créant, parfois involontairement ».

« Mon père est un professeur de chimie et ma mère, une historienne. Ma vocation est à la croisée de l’histoire et de la science. J’étudie comment le vin était produit par le passé et j’essaie de faire mieux, plus intelligemment ». Cela signifie partir à la recherche des cépages autochtones, souvent tombés dans l’oubli, et faire revivre des techniques traditionnelles, comme le vieillissement en amphores. Le résultat? Un vin qui n’a pas le goût d’un « vin de l’Alentejo », mais dont le caractère est plus proche de celui de son terroir que la plupart des vins commercialisés aujourd’hui sous le nom de « vin de l’Alentejo ». 

Mais il n’est pas nécessaire d’être un œnologue averti pour apprécier le domaine viticole Fitapreta ou les vins d’António Maçanita (si vous l’êtes, vous avez de la chance. L’un des forfaits d’œnotourisme les plus intéressants s’intitule « Oui! Les vins me passionnent! ». Ce forfait peut être personnalisé selon les champs d’intérêt de la personne qui le choisit. Vous souhaitez découvrir les caractéristiques uniques de l’Alentejo? Vous désirez plonger dans les styles de fermentation? Quel que soit le sujet choisi, l’on vous proposera la dégustation de sept vins liés au thème choisi.).

Si vous ne cultivez pas l’amour de la vigne, sachez que vous pouvez y passer une très belle journée. Le domaine Fitapreta est aménagé dans un palais médiéval (aujourd’hui utilisé comme salle de vieillissement) qui compte une tour et quelques autres parties datant du 14e siècle. S’il devient un peu fatigant d’entendre les spécialistes du marketing qualifier l’Alentejo de nouvelle Toscane, n’empêche que cette tour en ruines évoque la campagne italienne.

L’épouse d’António, Alexandra, qui a déjà organisé maints événements à Paris, supervise le volet œnotourisme. Outre les dégustations, il est également possible de goûter les mets traditionnels de l’Alentejo qui font honneur aux produits de saison et aux légumes du potager récoltés le jour même (par exemple, la soupe à la tomate de l’Alentejo, des œufs brouillés servis avec la saucisse de porc, des joues de porc noir avec des pommes de terre, une salade accompagnée de noisettes grillées). Une longue table est dressée dans la cour ombragée entre le bâtiment contemporain, couvert de liège, de l’établissement vinicole et le palais historique. L’on s’y restaure en dégustant quelques-uns des vins les plus intéressants du domaine. 


 


Outre le profil unique des vins et leur caractère particulier qui exprime un Alentejo presque oublié, outre les noms ludiques de certains d’entre eux, comme A Touriga Vai Nua (« la touriga se met à nu », un vin composé entièrement de touriga, un cépage portugais) et A Laranja Mecânica (« L’orange mécanique », un vin de couleur orange élaboré à partir des cépages régionaux : arinto, roupeiro et verdelho), ce qui est notable avec ces vins, c’est qu’ils préservent non seulement la culture de l’Alentejo et les cépages locaux, mais élèvent également le terroir de la région. Surtout, ils sont produits avec « le sens absolu de responsabilité envers un être cher ». 

Fitapreta est né de la rencontre d’Antonio Maçanita et de David Booth il y a près de vingt ans. Maçanita avait demandé au consultant britannique en vins de créer un vin avec lui (adoptant son attitude habituelle, il a formulé cette demande à Booth en l’accompagnant d’une déclaration provocatrice : « Ce qui pose problème dans l’industrie, ce sont les consultants. »). Cette première création, le Preta 2004, élaboré à Herdade da Malhadinha Nova, a remporté le trophée Alentejo lors de l’International Wine Challenge. 

La même année, le duo a lancé le vin qui les a vraiment mis sur la sellette, le Sexy Tinto, un vin d’Alentejo qui, de l’avis des deux œnologues, « a conquis le marché national et international, en premier lieu, par son audace et, en deuxième lieu, pour sa qualité indéniable. » 

Ce vin, ainsi que d’autres qui l’ont précédé et suivi, a été élaboré dans les installations de tiers. Ce n’est qu’en 2015 que Maçanita (qui s’était alors dissocié de Booth) choisira comme demeure permanente le Paço Morgado de Oliveira, ce palais médiéval du 14e siècle qui compte 20 hectares de vignobles âgés de plus de 50 ans — un détail important puisqu’il a conduit Maçanita à revisiter le passé. 

L’espace a été inauguré avec le millésime 2017, certains vins ont été en partie produits avec ces vieilles vignes. Tout compte fait, il n’y a pas de meilleur endroit pour qu’un vigneron rebelle poursuive sa quête de l’histoire et secoue le statu quo. 


*Ann Abel est une rédactrice primée spécialisée dans les voyages. Elle a été à plusieurs reprises rédactrice principale chez ForbesLife. Elle a décrit plus de 700 destinations et hôtels de luxe répartis en 98 pays (et ce n’est pas fini!). Ses articles paraissent dans Forbes, Departures, Conde Nast Traveler, Robb Report, Afar, National Geographic Traveler, Islands, Hemispheres, Brides, Modern Bride, Luxury SpaFinder, Well + Good, et d’autres publications.

 

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